A l'occasion de l'audience solennelle de rentrée de la Cour d'appel de Paris, mardi 11 janvier, le premier président Jacques Degrandi et le procureur général François Falletti se sont tous deux prononcés pour une réforme des conditions de nomination des magistrats du parquet. Vendredi dernier, le procureur général près la Cour de cassation, Jean-Louis Nadal, à l'occasion de sa dernière rentrée avant la retraite, avait —cerise sur le gâteau— sermonné ceux qui «dénigrent» les décisions des magistrats…
MM. Degrandi et Falletti sont tous deux en poste depuis le premier semestre 2010. Bien que nommé en janvier, François Falletti a pris ses fonctions en mars 2010 sur fond de grogne sociale, et avait à l'époque déploré la présentation «souvent caricaturale» de l'action des magistrats du parquet taxés de soumission au pouvoir politique. Sa nomination avait posé un problème d'ordre juridique. Jacques Degrandi s'est pour sa part installé en mai 2010.
A l'audience solennelle de mardi, le procureur général François Falletti a défendu «le rattachement du ministère public à l'autorité judiciaire», ajoutant: «Sans doute faut-il à présent compléter l'édifice, et en venir à un avis conforme pour la nomination des magistrats du parquet, à l'instar de ce qui se passe pour les magistrats du siège».
En conformité avec le droit européen
Pour sa part, le premier président Jacques Degrandi a prôné «la nécessité de prévenir la scission du corps judiciaire, vers laquelle nous engage la cour européenne» [des droits de l'Homme]. En novembre dernier, un arrêt de la CEDH avait estimé que le parquet n'est pas une autorité judiciaire indépendante.
Pour M. Degrandi, «Le développement de l'espace judiciaire européen doit en conséquence (…) nous conduire à revoir sans délai le statut du ministère public, en subordonnant la nomination des procureurs généraux et des procureurs de la République à l'avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature». Un avis conforme qui aurait valeur de contrainte, alors que présentement les nominations ne font l'objet que d'un avis dit “simple” que la Chancellerie n'est pas tenue de suivre.
Selon Jacques Degrandi, «les mises en causes excessives des décisions juridictionnelles conduiraient à alimenter la défiance envers la justice et ceux qui la rendent».
Service: Nadal
Comme pour répondre aux propos tenus vendredi dernier par le procureur général près la Cour de cassation, M. Degrandi a averti: «Il nous faut prendre garde à l'affaiblissement de l'indépendance du juge résultant d'une désacralisation excessive de la décision de justice».
Vendredi, lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, M. Jean-Louis Nadal, en poste depuis octobre 2004 et sur le point de prendre sa retraite, avait fustigé «une forme de mépris pour la justice» affiché par ceux qui «dénigrent» les décisions des magistrats. Une allusion directe au ministre de l'Intérieur, dont les propos avaient été jugés très sévèrement par le Syndicat de la Magistrature.
Dans un discours de sept feuillets (à lire ici sans retenue), Jean-Louis Nadal avait annoncé la réforme inéluctable du parquet.
Fabien Abitbol
Commentaires