Installé à Belleville « depuis une vingtaine d’années » avant l’écriture de la première version de « Jours tranquilles à Belleville » (Méréal, 1999), Thierry Joncquet est mort dimanche, des suite d’une crise d’épilepsie dont il a été victime le 28 juillet, précise Rue89.com. Il était hospitalisé à la Pitié-Salpétrière depuis. La série télévisée Boulevard du Palais, dont les protagonistes sont inspirés des Orpailleurs — roman noir qui débute à Belleville — doit reprendre le 2 septembre sur France 2.
Un autre auteur originaire de
l’Est parisien s’en va. Après Fajardie en mai 2008, c’est maintenant au tour de Thierry Jonquet. Né en 1954 d’une famille originaire du 11e arrondissement, il avait passé son enfance dans le
12e et s’était installé à Belleville « par le hasard
d’annonces immobilières ».
Ecrit en 1999 dans le cadre d’une « carte blanche » que lui avait laissée un éditeur travaillant chez Gallimard — un auteur de fiction devait travailler sur un sujet de société —, « Jours tranquilles à Belleville » partait d’un simple constat. Thierry Jonquet, dont la fille venait d’entrer en cours préparatoire, venait de voir sa photo de classe. Et constatait, selon un entretien donné à Sociétés et représentations n° 17 (janvier 2004) pour la réédition réactualisée de l’ouvrage, qu’elle « était la seule blanche parmi des Maghrébins, Africains, Tamouls, Asiatiques… tous les visages de la terre dans la classe. En regardant cette photo, ma femme et moi nous sommes dits : “et en plus elle est juive !”. J’ai décidé de faire l’histoire de cette photo ».
L’enfance de sa fille semblait à des générations de la sienne, rue de Charenton. Il avait assisté, en une vingtaine d’années, « avec certaines angoisses » disait-il, à « une dégénérescence du quartier », et pensait que ce qu’il y vivait « était à peine le dixième de ce que vivaient les gens qui habitent dans les cités de banlieues à problèmes, qui n’ont pas la possibilité de le formuler ».
Et partant, ces Jours tranquilles étaient particulièrement pessimistes. Une véritable autopsie d'un quartier à la fois agité et presque mort. Avec, bien ancrés dans l'esprit de l'auteur, les débuts de la prostitution asiatique, les disputes ethniques, ou les bagnoles rutilantes…
Parlant également de « La Vie de ma mère », par la suite adapté en bande dessinée, il évoquait dans ce long entretien la bureaucratie, Belleville se trouvant que quatre arrondissements, mais aussi la rénovation (ratée sous Didier Bariani) du quartier, côté 20e, grâce à la mobilisation des habitants, les artistes et l’association des Ateliers d’artistes de Belleville (AAB, désormais forcés de déménager).
Auteur reconnu de polars, Jonquet avait travaillé pour la télé. Sous le pseudonyme de Martin Eden, il avait publié des nouvelles chez Presses Pocket, scénarisées par… Frédéric Fajardie qui en avait fait pour TF1 des épisodes de David Lansky, cet improbable commissaire aux Ray-ban interprété par Johnny Halliday.
La série Boulevard du Palais, dont les deux personnages principaux sont inspirés du roman Les Orpailleurs (Série noire, 1993), reprendra sur France 2 le mercredi 2 septembre (20h35), selon les grilles à trois semaines diffusées ce lundi matin par la chaîne publique, juste avant la rediffusion de la première partie du documentaire de Patrick Rotman sur Jacques Chirac (Chirac : le jeune loup, qui doit être suivi le jeudi 3 septembre de Chirac : le vieux lion, déjà diffusés en octobre 2006). Désormais, France 2 devrait se concentrer le vendredi soir sur des programmes plus « familiaux » et programmer ainsi un autre jour — a priori le mercredi donc — ses soirées polars, qui pourront être un peu plus musclées.
F. A., photo DR
è Mort de l’auteur de roman noir Thierry Jonquet (AFP)
è La réédition mise à jour de Jours tranquilles à Belleville, a été publiée le 7
juillet 2003 dans la collection Points (Le Seuil), avec une préface de Gilles Perrault. « Un effroyable portrait qui a
soulevé l’indignation de ceux qui pensent que toute vérité n’est pas bonne à
dire », lisait-on alors dans Elle.
è Boulevard du Palais, les dix premiers épisodes des aventures de la juge Linz et
de l'inspecteur Rovère, sur Eklektik
Oui, c'est vraiment très triste ce départ sur les chapeaux de roue... Thierry le motard était un polardeux qui faisait honneur au genre. On peut toujours, et on pourra sûrement longtemps lire ses livres justes et décapants.
Rédigé par : L'hippocampe associé | 25/08/2009 à 08h55