Au cours d’un déplacement dans le Val-de-Marne ce mardi 29 novembre, le ministre français de l’Intérieur Claude Guéant a réitéré son intention affichée dimanche de «lutter particulièrement contre les fraudes qui sont commises par les ressortissants étrangers, qui sont spécifiques puisque le versement d'un certain nombre de prestations est conditionné par la régularité du séjour et de surcroît par l'effectivité de la résidence en France». Dans un communiqué publié lundi, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) avait estimé que «la loi interdit une telle opération» et que «le ministre flirte (…) avec un double délit».
«Il n'y pas de ciblage particulier des personnes de nationalité étrangère», a affirmé mardi Claude Guéant, confirmant qu'à compter du 1er janvier les caisses d'allocations familiales auraient accès au fichier de gestion AGDREF.
Or, comme l’indique le site de la CNIL, les destinataires de ces données sont, à la dernière mise à jour du 4 janvier 2009:
• les services de l'administration centrale du ministère chargé de l'immigration et des naturalisations et ceux de l'administration centrale du ministère de l'intérieur, compétents pour l'application de la réglementation relative aux étrangers, ainsi que les services des préfectures et sous-préfectures compétents en la matière.
• les magistrats de l'ordre judiciaire, les agents des représentations diplomatiques et consulaires qui instruisent des demandes de visas de long séjour et, seulement en vue de vérifier la régularité du séjour des ressortissants étrangers en France, les services de police nationale et de gendarmerie nationale, peuvent également consulter le fichier national.
• l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) est destinataire de certaines informations relatives à l'état civil et au numéro d'identification AGDREF.
• les inspecteurs du travail et les contrôleurs du travail ont également accès à l’autorisation de séjour obtenue, aux fins de l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.
• les agents des services chargés des missions de prévention et de répression des actes de terrorisme peuvent accéder aux données enregistrées dans AGDREF, jusqu’au 31 décembre 2012, en vertu de la loi «anti-terroriste» du 23 janvier 2006.
• l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et l'Institut national des études démographiques (INED) sont en outre destinataires, à des fins exclusives d'établissement de statistiques, des éléments anonymisés obtenus à partir du système AGDREF. Tous ces agents font l’objet d’une habilitation individuelle et d’une désignation spéciale par leur autorité hiérarchique.
Enfin, la loi du 24 août 1993 a autorisé la consultation du fichier par les organismes chargés de la gestion d’un régime obligatoire de sécurité sociale et par le Pôle Emploi, afin de déterminer si les étrangers demandeurs ou bénéficiaires des prestations que ces organismes offrent ou distribuent sont en situation régulière. Ces dispositions ne sont toutefois pas encore mises en œuvre.
A titre d'exemple de fraude, Claude Guéant a cité le cas d'un père de famille touchant des prestations pour quatre de ses enfants qui ne vivent pas en France, ou celui d'une personne qui réside à l'étranger où elle a un emploi salarié, mais qui perçoit des prestations sociales en France.
Mais, tout comme dimanche, il n’a pas avancé de chiffre. Dans son communiqué de lundi, la LDH commentait: «On peut penser que si le ministre avait connaissance d’un chiffre utilisable, il l’aurait largement mis en avant. Ce n’est pas le cas et l’explication est ailleurs: pour que tout le monde le comprenne bien, il dit qu’il existe des “des fraudes spécifiques” aux étrangers».
Pour la LDH, le ministre se rend coupable d’«utilisation illégale de fichiers» et de «racisme par la désignation stigmatisante de l’ensemble d’une population».
Suite à ses déclarations de dimanche, Marine Le Pen avait remercié le ministre de l’Intérieur. Des remerciements vus d'un mauvais œil par M. Guéant.
Les affaires de fraude aux prestations familiales sont généralement très longues à aboutir devant une juridiction. A titre d'exemple, pour prendre le cas d'une affaire qui avait fait grand bruit, c'est fin avril 2010 que Brice Hortefeux, alors à l'Intérieur, avait parlé de polygamie, violences et fraudes à l'Assemblée nationale. Et ce n'est qu'à la fin novembre 2011 que le procureur de la République de Nantes souhaite le renvoi devant le tribunal correctionnel du commerçant, de son épouse, de deux de ses compagnes et d'une ex-compagne. Dix-neuf mois pour en arriver aux conclusions du parquet, et pas encore à l'audience, si audience il y a un jour…
F. A., ill. : couverture de Libération du mardi 29 novembre 2011
Dans le cas des décisions de géant, je pense que les fichiers croisés vont détecter pas mal de fraudeurs. Seul point il ne faut pas stigmatiser tout le monde car vous avez également des étrangers honnêtes.
Rédigé par : mutuelles | 10/12/2011 à 22h23