Le Comité contre la torture de l’ONU vient d’achever à Genève sa nouvelle Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (programme en français ici). La France n’est pas épargnée sur sa politique pénitentiaire et sur le droit d’asile. Et l'on reparle de « Serpico », tortionnaire argentin décoré par la France et actuellement jugé dans son pays…
L'ONU a entre autres tenu compte
du rapport de 54 pages présenté par l’Observatoire international des prisons (OIP). Dans un éditorial, l’OIP estime que « La sévérité des appréciations formulées
sur la situation carcérale française marque un désaveu cinglant de la politique
pénitentiaire mise en oeuvre depuis le dernier examen (2005) et consacrée par
la loi du 24 novembre 2009 » et demande « … que le processus
d'élaboration des décrets d'application de la loi, actuellement en cours
d'examen par le Conseil d'Etat, soit interrompu pour prendre pleinement en
compte les observations du Comité contre la torture ».
Jean-Baptiste Mattéi, représentant de la France auprès des Nations unies, avait
défendu la position française le 27 avril dernier (lire son intervention ici), évoquant entre autres le rôle du Contrôleur général des
lieux de Privation de Liberté, « qui exerce cette mission en toute
indépendance ». Le poste de Contrôleur général des lieux de privation de
liberté (plus communément appelé « contrôleur des prisons ») est
appelé à disparaître en application de la dernière réforme constitutionnelle,
tout comme celui de médiateur de la République, ou celui de défenseure des
Enfants…
Par ailleurs, M. Mattéi avait
aussi appuyé son intervention sur les efforts de la France pour l’accueil des
personnes courant des risques de mauvais traitements dans leurs pays d’origine.
Mais, sur ce point aussi, le Comité a déploré le fait qu'il ait été
« saisi de plusieurs allégations documentées relatives au renvoi
d'individus vers des pays ou ils risquaient d'être soumis à des actes de
torture, peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »… Les
observations finales relèvent également « que 22% des demandes d'asile
présentées en 2009 auraient été traitées sous la procédure dite prioritaire,
[procédure] qui n'offre pas de recours suspensif contre un refus initial de
l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ».
Pour lire les observations
finales du Comité contre la torture de ONU, émises le 14 mai, cliquer ICI (document non édité).
A l’occasion de cette 44e réunion du Comité contre la torture, un cas particulièrement gênant pour la
diplomatie française a été évoqué : celui de Ricardo Cavallo, dit « Serpico », un officier argentin jugé depuis
fin avril à Buenos Aires pour des crimes commis durant la dictature militaire (1976-1983). Parmi les crimes qui lui sont imputés,
l’assassinat de deux religieuses françaises. Or cet officier a été décoré de
l’Ordre national du mérite, dans les années 80, alors qu’il était attaché
militaire à Paris. Réponse des diplomates français : « Au regard du
droit français, il est aujourd’hui impossible de destituer d’une distinction
honorifique un étranger à laquelle elle a été accordée ». La France a
promis « d’envisager une destitution » par le biais d’une réforme du
code de la Légion d’honneur et du code de l’Ordre national du mérite, « si
un jugement définitif devait condamner cette personne pour de tels
actes ».
Arrêté en Espagne en septembre
2000 par le juge Garzon, Ricardo Cavallo est jugé en Argentine en même temps que
dix-huit autres accusés (dont Alfredo Astiz, surnommé « l'ange blond de la mort »), à la suite de
l'annulation des lois d'amnistie. Il est accusé de 227 disparitions, 110 cas de
torture et 159 détentions arbitraires.
Fabien Abitbol
è L’Acat dénonce le traitement des demandes d’asile faites en France (Radio
Vatican, 27 avril)
è La France sous pression
du comité contre la torture (L’Humanité, 30 avril)
è En espagnol, un blogue sur les procédures en Argentine
En faisant une petite recherche sur Google News je n'ai trouvé qu'un seul article évoquant ce rapport de l'ONU au sujet du droit d'asile (dans le Monde et beaucoup plus court !).
Et absolument aucun (sic!, rien, nada) évoquant ses conclusions sur les prisons francaises depuis 2005
Y'a des jours comme celui là où l'on se dit parfois que le blog de Fabien devrait être reconnu comme d'utilité publique ;-)
Rédigé par : Weatherboy | 22/05/2010 à 13h22