Une histoire qui ne sent pas la rose a été soulevée
par le site d’informations locales DixhuitInfo.com : le conseil municipal du 18e arrondissement a
adopté lundi 22 mars à l’unanimité un vœu pour qu’une rue porte le nom de
l’écrivain Albert Simonin, condamné à cinq ans de prison pour faits de collaboration…
Connu pour son emploi de l’argot et ses romans
policiers, Albert Simonin est décédé en 1980. Depuis le début des années 2000
au moins deux tentatives de baptiser ainsi une rue ou un bâriment public ont eu
lieu. Cette fois, c’est dans le cadre d’un aménagement de voirie qu’un conseil de quartier a adopté un vœu.
Albert Simonin a notamment été journaliste à
l’Intransigeant, quotidien d’extrême-droite, comme le rappelle ici Bibliobs. Pendant la Seconde Guerre, il
« collabore », si l’on peut dire, au Centre d’action et de
documentation, un organisme de propagande antisémite et antimaçonnique financé
par l’Occupant. C’est ce travail qui lui vaudra une condamnation à cinq années
de réclusion, qui seront amnistiées en 1954. « La Commission de
dénomination des voies se réunira le 8 avril 2010. L’organisme parisien, seul
habilité à donner son feu vert pour baptiser les rues de la capitale, décidera
du sort de la rue Albert Simonin », indique le site local dans ce sujet bien documenté qui ne s'appuie pas que sur wikipédia…
Iann Brossat, élu communiste du 18e et président du groupe
communiste au Conseil de Paris, a réagi jeudi 25 mars sur son blogue par ce Ne touchez pas à ma rue, où il écrit : « Comme d’autres élus du 18e arrondissement, je ne connaissais pas la part d’ombre de cet enfant de La
Chapelle, déjà proposé à la dénomination du collège de la place Hébert en
2003 ». Indiquant que l’élue UMP Roxane Decorte a défendu ce vœu
« avec chaleur en affirmant qu’elle l’avait connu », le conseiller
communiste commente : « Nous n’avions aucune raison de soupçonner
qu’une gaulliste était en train de faire l’apologie d’un collaborateur.
Mentait-elle par omission en nous dissimulant le passé d’Albert Simonin ?
Ou mentait-elle tout court en affirmant qu’elle le connaissait ? ».
Dans un deuxième sujet publié le 25 mars, DixhuitInfo.com a mis en ligne divers
extraits sonores, dont un témoignage de la fille de Simonin, qui relate les années où elle
rendait visite à son père en prison. Dans un communiqué envoyé au site, Daniel Vaillant, le maire socialiste de
l’arrondissement (qui fait remonter la première saisie dont il a fait l’objet à
2004) indique qu’il a demandé « dès mardi 23 mars au matin » que des
historiens lui confirment ou pas les faits rapportés par DixhuitInfos.com.
Auteur de Grisbi or not grisbi (1955), adapté au
cinéma en 1963 par Georges Lautner sous le titre Les Tontons flingueurs, Albert
Simonin a été le scénariste d’une douzaine de films, de Touchez pas au grisbi
(1953) au Pacha (1967). Il est l’auteur de divers essais, dont, durant
l’Occupation, Le Bourrage de crâne [retrouvé par DixhuitInfo.com], avec le militant extrémiste Henri Coston. Ce dernier, poursuivi en 1947 pour faits de collaboration, a été
condamné aux travaux forcés à perpétuité, a bénéficié en 1951 d’une grâce
médicale et en 1955 d’une grâce totale et est décédé l’été 2001. Il est aussi
connu pour son fin usage de l’argot (lire ici quelques citations).
F. A.
Entre une rue en ayant eu 5 ans de prison pour collaboration et une présidence de la République en ayant reçu une médaille du gouvernement de Petain, on n'est plus à ça près...
Pauvre France...
Rédigé par : Antoine | 04/04/2010 à 20h48