Après le rassemblement de jeudi au ministère des
Finances (voir ici) en faveur des travailleurs sans-papiers de nouveau en grève depuis
octobre 2009, a lieu ce soir à l’ex-Forge de Belleville une soirée de soutien,
notamment pour les grévistes de Multipro (boulevard de Ménilmontant) et ceux du
chantier du tramway de la Porte des Lilas, qui n’ont repris le travail que dans
le 19e arrondissement…
Depuis des mois, des milliers de travailleurs sans
papiers tentent de défendre leurs droits légitimes à la régularisation,
affrontant le froid et l’indifférence d’un gouvernement et d’un patronat sourds
à leurs revendications.
Dans toute l’Ile-de-France, depuis octobre, entre
4000 et 6000 travailleurs se sont mis en grève, dans de nombreuses entreprises
de toute l’Ile-de-France. Les arrondissements de l’Est parisien n’en n’ont pas
été exempts, le lieu le plus « visible » étant sans doute le chantier de
l’extension du tramway T3, à la Porte des Lilas, où un piquet se tient toujours.
Et pourtant… Le 18 janvier, lors de ses vœux, la maire du 20e,
Frédérique Calandra, avait annoncé une sortie de crise, et la régularisation
obtenue, disait-elle, des travailleurs en grève. Ce qui avait fait tiquer –pour
des raisons opposées, évidemment- les tenants de la politique gouvernementale
comme ceux de la régularisation, massive comme au cas par cas.
A l’en croire, le chantier devait reprendre
incessamment, voire dès le lendemain. Ses propos sur un chantier « très
timé », tenus fin octobre lors d’une visite sur place avec Roger Madec (maire du 19e)
étaient encore en mémoire. Quelques jours plus tard, selon Thierry La Prévote,
représentant Sud-Solidaires dans les 19e et 20e arrondissement, les
travailleurs du 19e pouvaient reprendre le travail, mais pas leurs
homologues du 20e… toujours dans l’impasse (le plan du tramway dans le 20e est ici).
A Multipro, société d’intérim du boulevard de
Ménilmontant (toujours dans le 20e), la grève a commencé le 23
octobre, un vendredi, jour de paie. Selon la direction, seule une poignée de
grévistes (trois ou quatre sur une quarantaine) seraient effectivement
employés. Un classique puisque les autres ont travaillé (pour certains depuis
plusieurs années) avec des papiers au nom d’un frère ou d’un cousin, et alors que
l’employeur en était conscient. Ils avaient commencé, pourtant, sous leur véritable identité. Mais pour un accès aux archives, impossible… le matériel informatique ayant été enlevé.
Les paroles gouvernementales sur les « patrons voyous » sont pour
l’instant vaines, personne ne reconnaissant ses erreurs. Tout comme pour les
travailleurs sans papiers de l’Assemblée nationale (de Bouygues Bâtiment
Ile-de-France), où l’on dit que leurs papiers étaient valides lors de l’embauche. Ce sont donc, selon la
patronat, les travailleurs qui fraudent. La fraude, pourtant, n'est-elle pas une spécialité bien française ?
Le chantier du tramway T3 est visible, de par son
piquet de grève. Sur le boulevard de Ménilmontant, maintenant que l’occupation des locaux a été jugée illégale, on croise
régulièrement (surtout le vendredi soir) des grévistes, des syndicalistes, des
passants et des soutiens. Et une caisse de solidarité est là.
Ailleurs, dans le 20e comme dans le 19e,
d’autres grévistes sont moins visibles. Mais ne se battent pas moins pour faire
valoir leurs droits, après avoir cotisé à la retraite, au chômage, à la
sécurité sociale, à la CSG, au veuvage et autres prélèvements obligatoires… Des
devoirs, oui, des droits, ils n’en voient pour l’instant pas la couleur, sauf
celui de ne rien dire.
Si, comme l’indique ici Eric Besson, il fallait appliquer la « directive sanction » (une directive, par essence, a vocation à être appliquée un jour), non seulement de nombreuses entreprises
seraient lourdement sanctionnées et des chantiers laissés… en chantier, mais
d’obscurs calculs faits à la va-vite par les services du ministère de l'Immigration mèneraient à la
régularisation d’un millier de travailleurs. Sans préciser s’il s’agit de la
France ou de l’Ile-de-France.
Le concert de soutien de ce samedi commence à 18
heures, au 23/25 rue Ramponneau (20e). Pour davantage de détails,
cliquer ici ou là.
Fabien Abitbol, photo DR (archives)
è Un sage chez les sans-papiers, par Marie Barbier
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