Un an après Carnet du Sénégal (pays dont il a adopté la nationalité en 2002), Richard Bohringer a refait son apparition vendredi chez Arthaud avec Bouts Lambeaux…
Bout Lambeaux, le dernier opus de Richard Bohringer disponible en librairies depuis deux jours, est un ramassis de textes bruts, vifs, ciselés. On y retrouve l’homme blessé, révolté, lors de ses passages à l’hôpital. Ses souffrances. Ses espoirs. Une sorte de carnet de voyage de Paris au Sénégal, qui débute ainsi (d’aucuns le comparent à du slam) :
Il élimine coupeur de tête, la sienne, dans les couloirs sombres de l'hôpital, où les rats courent après le chariot de l'infirme, bouffeur de yaourt qui dégouline de morphine, poison lent qui veut lui bouffer la cervelle, avec des cauchemars d'architecte, des tours métalliques criant sous le vent, la pluie. L'homme gisant, peut-être déjà absent il veut de l'amour. Où sont mes enfants où sont-ils ? Au sous-sol derrière les poubelles, il grignote un quignon de pain. Le chariot a basculé, la roue a glissé sur la mayonnaise, les rats sont hilares, il est sauvé. A l'aube il marchait dans l'air froid du côté de la Motte-Picquet-Grenelle. Alors fallait réinventer la vie, ma vie. Qu'est-ce qui s'est passé. La vie à côté. Comme si les méandres pieuvre noire et frissonnante n'avaient aucune attirance pour la vie sage. Alors j'ai vécu ma tourmente cut l'enfance cut un matin je fus enfin le grand singe. J'ai muté. Il fallait bien pourtant vivre dans la multitude humaine. Je connais tous les arbres du monde. Aucun ne se ressemble. Les humains ont une chose en commun. Le meurtre de l'autre sans avoir besoin de l'aurore. J'enquête et lie ce que je sais de moi à ce que je devine en eux. Il était une fois avant d avoir traversé le miroir, avant d avoir revu les Anciens, dans le fond d'une case, avant d'avoir muté, il était face à l'avenue froide et silencieuse comme une soucoupe volante. J'ai demandé au toubib, perdu au milieu des chariots, des pompiers avec des coups de froid glacé, balancé par cette putain de porte électrique qui a fait péter sa boîte à raison cette nuit, et qui s'ouvre, qui se ferme sous les poussées des civières ensanglantées et des lumières qui tournent sur des uniformes et des rouges, et des bleus, dans un tragique ballet Playmobil, la voilà cette putain de nuit de l'humain perdu au milieu des humains. Ça faisait longtemps qu'il avait pas enjambé l'entrée du cabaret de la dernière chance avec des danseuses en blouse blanche funambule dans la nuit étoilée avec des souvenirs de petit enfant de marronniers en fleurs et de femme désaimante.
L’occasion pour le lecteur d’y retrouver en bonus le CD du film mal distribué C’est beau une ville la nuit, tourné en grande partie à Ménilmontant, et d’y revoir Farid Chopel, notre ancien voisin décédé le mois dernier.
Bouts Lambeaux, 144 pages, format 14x21 cm
Richard Bohringer, Arthaud éditeur
ISBN : 978-2-7003-0158-8, 18 € TTC prix France
Actuellement en promotion en Aquitaine (salon du livre d'Arcachon), Richard Bohringer sera l’invité mardi 20 mai de Philippe Gildas sur la chaîne Vivolta (Gildas & Co, diffusé à 8h45, 12h, 18h30 et 22h30) et le mercredi 21 mai l’invité de « La Compil », de 21h à 22h, sur France Bleu (présentation : Evelyne Adams).
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