A une semaine du trente-troisième Festival international de Vichy (Allier, du 26 avril au 4 mai inclus), il est temps pour les joueurs chevronnés de réviser et pour les amateurs d’apprendre quelques mots nouveaux, parus dans la cinquième édition de l’Officiel du Scrabble®, mis à jour tous les quatre ans en s’appuyant sur les dernières éditions des petits Larousse®, Robert® et Hachette®, et en tenant compte des propositions de diverses fédérations francophones, comme la belge, la québécoise, ou la tunisienne. Le sujet ci-dessous, rédigé par le père de votre ouaibemaître, a été publié dans le n°328 de Scrabblerama (avril 2008), publication éditée par nos voisins de Promolettres (Quai de la Marne, dans le 19e).
Diaspora, alya, c'est pas kifkif
Cet article n’est pas écrit par un historien mais par un amoureux (transi) du Scrabble®
Mots en caractères gras : entrés à l’ODS 5
Mots soulignés : aussi « exotiques » mais entrés avant 2008
A quelques semaines du Festival de VICHY, qui est, osons le dire, la mecque du Scrabble® francophone, je feuillette l’ODS 5 et les souvenirs se bousculent, souvenirs d’une Tunisie que j’ai quittée il y a quarante ans.
Comme beaucoup de feujs du bassin méditerranéen, mes ancêtres étaient arrivés en Afrique, chassés de France et d’Espagne (14 ème et 15 ème siècles). Dans le Maghreb musulman, ils ont donc d’abord été des dhimmis et, surtout à partir du dix-neuvième siècle, beaucoup ont préféré à cette dhimma une patente de protection délivrée par un consul (de France ou de Livourne essentiellement), patente de protection qui, les années passant, débouchait naturellement sur la nationalité française ou italienne. Si les juifs meknassis ou marrakchis vivaient au mellah, en Tunisie le ghetto s’appelait hara (mot non admis au scrabble). Au siècle dernier, à partir des fifties, une grande partie de ces juifs maghrébins sont repartis vers des horizons nouveaux, en France surtout, mais beaucoup ont fait leur alya. Les juifs djerbiens, eux, sont restés en grand nombre sur leur île, concentrés à Hara Sghira et Hara Kbira. Ils auraient, paraît-il, fait partie de la première diaspora et auraient emporté en exil des restes du premier temple de Jérusalem détruit par Nabuchodonosor 6 siècles avant notre ère. Ces djerbiens, gardiens farouches des traditions juives, considéraient les autres juifs pratiquement comme des goym ! Les juifs de Tunisie étaient essentiellement sépharades, parlaient entre eux un dialecte judéo-arabe, qui n’avait rien à voir avec le ladino utilisé au Maroc ; très peu d’ashkénazes ; dans les années cinquante sont arrivés quelques loubavitchs (américains).
La Tunisie regorge de souvenirs de sa riche histoire. Ses mosaïques sont connues dans le monde entier mais il ne faut pas s’arrêter à la partie carthaginoise ; il faut aussi avoir visité Kairouan, dont la notoriété dépasse les limites de la région soussienne, ses mosquées qui en font le troisième ou quatrième lieu saint de l’Islam, son bassin des aghlabides ; on peut admirer de magnifiques ribats des époques almoravide puis almohade (à peu près contemporaines des idrissides du Maroc) ou peut-être, plus récemment, hafside.
Et la musique ! le climat tempéré aidant, si vous êtes teufeur, allez dîner sur une terrasse surplombant la mer tout en écoutant du malouf : darbouka, mezoued, oud. Waouh ! J’ajoute que vous risquez moins sur les bords de Mediterranée que dans les Caraïbes d’être victime de la ciguatera en vous régalant des poissons qu’auront ramenés les thoniers ! Bien sûr vous ne trouverez pas de vivaneau dans votre assiette ! ni de chatou d’ailleurs !
Elevé dans une famille assez traditionaliste, j’ai étudié à l’Ecole de la République (le Directeur de l’Instruction Publique, à l’époque, était un éminent universitaire, islamisant de talent, d’origine saumuroise, qui, rentré en France, a été Ministre de l’Education Nationale puis a présidé la Cour des Comptes). En complément de mes humanités classiques, une fois par semaine j’allais chez le rabbi de mon quartier pour mon éducation religieuse. Il fallait en particulier apprendre à lire les textes sacrés (en hébreu ou en araméen) et à réciter un tas de bénédictions que l’on aurait à utiliser sans modération à longueur de journée et que, sitôt célébrée ma bar-mitsva,… je me suis empressé d’oublier. Dans toutes ces bénédictions, figuraient en début le tétragramme évoquant, sans le nommer, le nom du Créateur.
La bar-mitsva, parlons-en. C’est, pour le petit juif, un moment très attendu : il a treize ans, peut être considéré comme un adulte et donc ce jour-là, pour la première fois c’est lui qui va lire au temple les versets de la torah. Coiffé de sa kippa, portant son talleth, il a enroulé autour de son bras et autour de son crâne les tefillim et il conduit une partie de l’office. Moment très émouvant ! A partir de ce jour il est lui-même responsable de son respect de la halakha qui n’est pas seulement porter sa kippa, bénir la mezouza en passant le seuil, respecter la kashrout réciter le qaddich ou accomplir une autre mitsva, et elles sont nombreuses les mitsvot ! Il n’est pas rare de voir un garçon de quinze ans prendre part de manière très active à un pilpoul ; certains, sans même être passés par une yeshiva, sont de vrais talmudistes !
Et, tout au long de l’année, les occasions ne manquaient pas de se souhaiter bonne fête : entre achoura, ramadan (tout un mois !) et autres aïds, soukkot, pessah, pâques des différentes communautés. Je ne parlerai que de ce que je sais le mieux ; après avoir fêté deux jours de suite le nouvel an, le juif célèbre le kippour (à cette occasion, l’office se termine au son du chofar ou schofar dans lequel souffle le ministre officiant) puis, au cours du même mois, soukkot ; arrive la fête des lumières, hanoukka, pendant laquelle tous les soirs on allume une lumière de plus sur un candélabre ressemblant à la menora ; encore quelques semaines et c’est pourim, la fête d’Esther (rappelez-vous : favorite du roi de Perse, elle arrive à le convaincre de la félonie du conseiller Amman ; si cela ne vous dit rien, relisez Racine, c’est plus facile que la bible !). Et il y a encore pessah (qu’en français on traduit par pâque et que les anglais appellent plus justement passover ; c’est le passage d’Egypte en Sinaï, organisé par Moïse à travers la Mer Rouge !) ; le soir de pessah, nous étions tous réunis chez mes grands-parents ; avant le dîner, lecture de la aggadah, sous la direction du grand-père, qui, de sa belle voix de hazan nous chantait en détails les évènements à l’origine de cette fête. Encore sept semaines et arrive shabouot (dois-je rappeler que les chrétiens fêtent pentecôte sept semaines après les pâques ?)
La plupart de ces fêtes (à l’exception notable de kippour, jour de jeûne absolu) étaient l’occasion de grands repas en famille ; et les desserts, mmm ! Pour ceux qui connaissent, le makroud n’est qu’une de ces pâtisseries qui faisaient notre bonheur ; il y avait aussi la feuille de brik au miel fourrée d’une pâte d’amante, la zlabia et puis le halva et le baklava et bien d’autres encore ! Bien entendu le repas était précédé d’un apéritif, attention ! pas un mojito ou je ne sais quel autre alcool exotique mais plutôt une anisette ou une boukha accompagnée d’une abondante kémia où fruits secs (plutôt pistache que macadamia) kefta, méchouia et bien d’autres spécialités se disputaient la vedette avec, comme condiment n° 1 l’harissa. « Oups ! Tout ça ? bonjour la gastro ! » crie le candide. Pas du tout , simple question d’entraînement ! Et puis, chacun ses goûts : pour le delphien ouzo et tsatsiki, pour le messinien calzone et lambrusco, le thononais prendra un diot avec une mondeuse, l’éphésien dégustera un kébab avant de tirer sur son narghilé (à moins qu’il ne préfère la chicha), l’aunisien penchera pour une mouclade et, si le cœur lui en dit, il ajoutera - pourquoi pas ? - une jambalaya ! (ou une harira mais ce n’est pas kifkif !)
Armand Abitbol
sympa comme texte, ça me rappelle une partie (passée) de ma vie mais merci de mettre une majuscule à Bible.
:-)
Rédigé par : GO dans le Sinaï | 18/04/2008 à 22h52
Dans ce cas, il conviendrait d'en mettre une à Torah…
Rédigé par : Fabien | 18/04/2008 à 23h02
ben, c'est comme vous le sentez ! Ce n'est pas moi qui ai écrit le texte...
mais il me semble logique de mettre des majuscules aux Livres sacrés...même si on est athée.
Rédigé par : GO dans le Sinaï | 18/04/2008 à 23h30
Certains ont la fâcheuse hâbitude de mettre en Cap plein de mots. Ce n'est pas mon cas. Et j'ai respecté l'auteur, sans lui demander s'il avait fait exprès ou pas.
Certains aussi (outre-Atlantique, surtout) prétendent que Jésus a écrit la bible d'une traite en anglais ! Ce qui suppose :
- qu'il a existé
- qu'il parlait (et écrivait) autre chose que l'araméen
- que l'on enseigne n'importe quoi à la catéchèse en parlant des apôtres qui ont pour certains une vision de Jésus…
Rédigé par : Fabien | 19/04/2008 à 08h41
respectez la religion des autres...
en matière de religion, on peut lire tout et n'importe quoi et même son contraire...certains enjolivent la réalité et d'autres la modifient à leur avantage (Bush inspiré par Dieu en Iraq, par exemple)...personnellement, je pense que Jésus a réellement existé. De tout temps, il y a eu des personnages charismatiques et avant-gardistes qui ont marqué leur époque, mais de là à dire que...
mais la tolérance étant une valeur commune à toutes les religions, il serait sympa de respecter les idées des autres, même quand on est athée, laïque ou même non pratiquant...
quant à l'auteur, il a pensé à mettre une majuscule à Islam, alors...
Rédigé par : GO dans le Sinaï | 19/04/2008 à 09h53
au catéchisme, on n'enseigne pas plus d'aberrations que dans les autres religions...Si on accepte que Moïse a fait ouvrir la mer rouge, pourquoi pas accepter Jésus qui marche sur l'eau ou Mamhommet qui décrit le paradis.
mais si vous voulez, on reparle du thème en privé car on sort du sujet de ce blog.
Rédigé par : GO dans le Sinaï fâché | 19/04/2008 à 10h00
Que de polémiques !
Pour ma part, je ne crois ni en Mohamed, ni en Jésus, ni en qui que ce soit.
Quant à la plupart des historiens qui croient en Jésus, ils disent que sa date de naissance n'est pas celle que le monde entier (catholique non othodoxe) respecte.
Alors, il ne s'agit pas d'un débat théologique, mais d'un apprentissage de mots que l'on peut désormais utiliser au Scrabble® !
Rédigé par : Fabien | 19/04/2008 à 10h25
Merci de des informations oh combien interessantes pour le
scrabbleur que je suis
Rédigé par : Beitelmal Khalid | 30/11/2009 à 20h51
c'est une interessante approche pour memoriser les nouveaux mots de l'ODS ,celle qui consiste à les mettre dans des phrases ,tout en les regroupant d'une maniere thematique
amicalement votre,
Scrabbleur du Maroc
http://scrabblepro.wordpress.com
Rédigé par : Beitelmal Khalid | 01/01/2010 à 10h55
Bonjour,
l'article que j'avais commis dans Scrabblerama n'était pas autre chose qu'un exercice de style et il ne devait intéresser, selon moi, que les scrabbleurs. De ce point de vue je remercie Khalid qui, lui, a réagi en scrabbleur et en amoureux des mots (pour moi, le scrabbleur est un amoureux des mots!). Par ailleurs j'ai lu avec intérêt les autres réactions à cet article mais, en général, elles étaient, selon moi, hors sujet: je ne voulais pas donner mon point de vue sur la Torah ou sur l'Islam ou ...sur la musique andalouse mais utiliser, dans un texte lisible par tous, des mots nouvellement entrés dans le vocabulaire des scrabbleurs. Merci à Khalid de l'avoir compris de cette manière.
J'en profite pour dire combien j'apprécie "Ménilmontant mais oui madame" qui est très généraliste donc merci aussi à Fabien!
Rédigé par : Armanddukram | 03/01/2010 à 10h36
Excellent ce texte:clair, concis, instructif.
Merci:-)
je ne connaissais que la dernière partie en bonne gourmet...
Rédigé par : Flo | 06/01/2010 à 23h07
"Merci à Khalid de l'avoir compris de cette manière"
personnellement, je l'avais aussi compris comme ça mais je pense qu'on a tous les droit d'exprimer ce qu'un texte nous inspire...ou en quoi il nous interpelle...cette manie de faire remarquer aux gens qu'ils sont "hors sujet" est de plus en plus répandue...pas glop.
enfin, c'que j'en pense...
:-))
Rédigé par : miss P | 07/01/2010 à 18h22
Les nouveautes de l'ODS sont essentiellement des mots d'origine juifs.
L'ODS doit refleter la palette de l'arc-en-ciel du monde francophone
Scrabbleur du Maroc
Rédigé par : Beitelmal Khalid | 13/01/2010 à 18h57
Bien vu le nom du village et l'anagramme :)
Rédigé par : Al-Kanz | 23/07/2010 à 18h37