On pouvait admirer son sourire, mais jamais le photographier. Depuis quelques jours, il est de nouveau possible de prendre des clichés de « la Joconde » et des autres tableaux des salles les plus fréquentées du Louvre. L'interdiction, instaurée en septembre 2005 à titre expérimental dans les salles de peinture du premier étage de l'aile Denon et la galerie d'Apollon, a été tacitement levée pour l'été, « à cause de l'affluence » (en ce moment, plus de 20 000 visiteurs par jour), commente la direction du musée.
« Un jour, sans qu'on ait été prévenus, j'ai constaté que tout le monde prenait des clichés. Le comble, c'est devant la Joconde, où les gens s'agglutinent ! », raconte une guide anglophone qui officie depuis plus de trente ans au musée du Louvre. Et elle ne décolère pas : « C'est un manque de respect, ça me gêne pour les clients, ça me gêne pour la Joconde et ça me gêne pour l'image de la France. »
« De toute façon, la photo ne rendra jamais aussi bien que la carte postale »
Il est vrai que, devant Mona Lisa, « le » chef-d'oeuvre du Louvre, la foule se presse et photographie à tout-va. « Depuis que les photos sont de nouveau autorisées, les gens ne regardent plus la peinture et se contentent de prendre un cliché », regrette une gardienne. « Quelqu'un prend une photo et, soudain, l'espace devient sacré, personne n'ose plus passer. C'est aberrant. On ne fait plus qu'emporter des souvenirs, c'est maladif. Si le Louvre fait machine arrière, je le regrette... », renchérit Philipp König, un guide allemand qui ne tarit pourtant pas d'éloges sur l'organisation du musée.
Mais un autre gardien tempère : « C'était déjà un endroit où les gens se pressaient auparavant. Ça ne change pas tant que cela. Et l'interdiction est impossible à gérer : on ne peut pas sans arrêt dire aux gens de ne pas prendre de photos, surtout que la plupart du temps, ils s'en fichent. » Avec l'arrivée du numérique, l'interdiction des photos dans les grands musées relève de plus en plus du casse-tête. « C'est impossible d'interdire », reconnaît-on ainsi au musée d'Orsay, où l'on tolère les prises de vues dans les collections permanentes. « Les appareils sont petits, chacun en a, et parfois cela fait partie de la culture des visiteurs, comme c'est le cas pour les Asiatiques. »
Au Louvre, on affirme néanmoins que rien n'est encore tranché. « Nous prendrons des décisions à l'automne, une fois l'étude terminée. Certains grands musées ont opté récemment pour l'interdiction, comme le Prado (à Madrid), ou le Rijksmuseum (à Amsterdam). D'autres, comme le British Museum (de Londres), considèrent au contraire que c'est devenu un des éléments d'accès à la culture pour le grand public. Toute la question est de savoir quelle image du musée on souhaite donner, tout en prenant en compte les souhaits du public et ceux du personnel », explique Anne Krebs, responsable du service des études, de l'évaluation et de la prospective.
Si vous voulez prendre vos propres photos, c'est donc le moment ou jamais, même si, comme l'avoue une gardienne, « de toute façon, la photo ne rendra jamais aussi bien que la carte postale ».
Emmanuelle Mougne, Le Parisien du 28 juillet
A visionner et écouter sur le site du Louvre, un dossier sur La Joconde.
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