Dimanche 24 au matin, le Musée de Grenoble (Isère) était ouvert, comme chaque dimanche,… sauf manifestement aux Roms du camp du Rondeau, venus voir un tableau de Diodore Rahoult, peintre grenoblois du XIXe siècle…
Il était onze heures et il pleuvait des cordes, raconte Dominique, l’accompagnateur de trente-cinq Roms du camp du Rondeau, le quartier grenoblois où sont légalement «parqués» les gens du voyage de passage à Grenoble, lorsqu’ils arrivèrent devant le Musée de Grenoble. Il s'agissait, d'une part de passer une ou deux heures au chaud à l'abri de la pluie, d'autre part de visiter le Musée comme n'importe quel Grenoblois ou touriste de passage.
Mais aussi, une raison particulière guidait cette initiative : le Musée abrite, entre autres richesses, une peinture à l'huile de 1868 de Charles Diodore Rahoult : Campement de Bohémiens à l'Esplanade devant la Porte de France, de 52 x82 cm. «Il était intéressant de la leur montrer alors qu'aujourd'hui, 132 ans plus tard, un campement de Roms est installé à moins de 500 mètres au pied de la Casamaures», explique le guide d’un jour.
Mais la rumeur, toujours elle, peut-être alimentée par un certain «discours de Grenoble», sait-on jamais, circulait : le groupe n’allait pas au Musée pour le visiter, le Musée, mais…pour décrocher ladite peinture.
Les Roms, voleurs de poules, reconvertis en receleurs d’œuvres d’art ? Voyons, la montée en grade est rapide en Isère ! Selon Dominique, cette mesure aurait été prise par le Chef de Cabinet du Maire, M. Guillaume Llorach, d'astreinte ce jour. «Les policiers présents ont tout de suite compris notre intention totalement pacifiste en ce dimanche pluvieux d'octobre, même si l'on peut comprendre qu'elle ait paru tout d'abord bizarre. Ils se sont contentés de nous conseiller, pour une prochaine fois, de demander une autorisation. Nous avons donc tous repris les transports en commun (en payant le trajet) pour retourner au camp du Rondeau, sous la pluie et le froid qui perdurent», explique-t-il.
De ce cas de discrimination, il convient de retenir que l'accueil du groupe ne s'est pas effectué de façon vraiment normale, comme elle l'aurait été pour un groupe de touristes débarquant à Grenoble. Le hall du Musée lui a été interdit, ainsi que tout rapport avec le personnel de la billetterie, qui lui aurait donné les renseignements nécessaires. Les portes d'entrée ont même été fermées par la sécurité. Des visiteurs ont été témoins de la scène et certains sont même allés par la suite prendre un café avec les «intrus».
Un contrôle de la billetterie du Musée ferait sans doute apparaître que les visiteurs ont pu entrer dans le Musée avant comme après l'incident, le plus tranquillement du monde. Mais ils n’étaient pas Roms, eux…
Comme l’indique la notice détaillée du tableau du peintre grenoblois (à consulter sur le site du ministère de la Culture), les Bohémiens restent devant la Porte de France.
F. A., ill. Campement de Bohémiens à l'Esplanade devant la Porte de France (mai 1868, Charles Diodore Rahoult)
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