Dans un communiqué daté du 4 février et publié à la rubrique actualités de son site Internet, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) réagit aux récents propos de Nicolas Sarkozy, qui a qualifié de «présumé coupable» l’homme placé en détention provisoire dans l’affaire de la disparition (et du meurtre) de la jeune Laetitia, en Loire-Atlantique. Un homme souvent présenté par les médias (poussés par des hommes politiques) comme un violeur multirécidiviste, ce qui n’est pas vraiment le cas (euphémisme).
Le communiqué de la LDH (à lire ci-dessous dans son intégralité) intervient deux jours après celui du Syndicat de la magistrature (expliqué ici), alors que s’annonce une manifestation nationale précédée d’une grève des audiences. Notons que certains avocats (comme ici à Angers) se montrent solidaires des avocats.
Pour la troisième fois en quelques années, Nicolas Sarkozy vient de violer sciemment la norme constitutionnelle la plus fondamentale de la République: la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
De même qu’il avait désigné Yvan Colonna comme le meurtrier du préfet Erignac avant même qu’aucune autorité judiciaire n’ait examiné le dossier –lequel n’est toujours pas clos–, de même qu’il avait désigné Dominique de Villepin comme le commanditaire des faux de l’affaire Clearstream plusieurs semaines avant le procès –qui a d’ailleurs démenti ce «pré-jugement»–, il vient de qualifier la personne arrêtée dans l’affaire du meurtre de la jeune Laëtitia de «présumé coupable», en répétant volontairement cette qualification qui annule toute différence entre interrogatoire policier et condamnation judiciaire.
Le président de la République, que l’article 5 de la Constitution charge de veiller au respect de la Constitution et dont l’article 64 de cette même Constitution fait le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, vient ainsi de se substituer une fois encore aux juges indépendants pour décider de l’innocence ou de la culpabilité d’une personne soupçonnée d’un crime.
Ainsi, non seulement il accuse mensongèrement magistrats et policiers d’avoir manqué aux devoirs de leur charge –alors que c’est la politique qu’il mène depuis des années qui empêche le suivi efficace des personnes déjà condamnées en privant de moyens ceux qui y travaillent réellement–, mais il viole délibérément l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui garantit constitutionnellement la présomption d’innocence, c’est-à-dire le droit à être jugé dans des conditions conformes à l’état de droit et non désigné publiquement à la vindicte populaire.
Dans toute autre démocratie, un tel comportement serait considéré comme incompatible avec l’exercice de responsabilités politiques au plus haut niveau de l’Etat.
L’article 68 de la Constitution prévoit que le président de la République relève de la Haute Cour «en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat». Si la violation délibérée et répétée de la séparation des pouvoirs et d’un des principes constitutionnels les plus fondamentaux de la République ne relève pas de cette procédure, quel niveau de délinquance constitutionnelle faudra-t-il atteindre pour mettre fin à l’impunité présidentielle en la matière?
La Ligue des droits de l’Homme, qui assure magistrats et policiers de son soutien face à la calomnie, rappelle que «toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution» (article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen). Le respect des lois et de l’ordre public ne se divise pas. Il est gravement menacé lorsque ceux qui ont la charge de le garantir donnent l’exemple de sa méconnaissance.
Ligue des Droits de l’Homme, Paris le 4 février
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