Après la mise en cause de fonctionnaires et magistrats par les ministres de la Justice et de l’Intérieur, le Syndicat de la magistrature réplique ce mercredi 2 février, indiquant dans un communiqué que la Chancellerie disposait de longue date d’informations précises sur le manque de personnels dans la juridiction de Nantes, où Laetitia a disparu le 19 janvier, sans jamais réagir…
Après le communiqué énumérant les sept mesures de Michel Mercier et Brice Hortefeux, le Syndicat de la magistrature (SM) estime que les «velléités de lynchage» des fonctionnaires par les ministres sont «fondées sur des éléments extrêmement parcellaires» et «témoignent d’une véritable duplicité du pouvoir exécutif, qui choisit de désigner ses personnels à la vindicte plutôt que de s’interroger sur ses responsabilités pourtant évidentes».
Selon le SM, dans deux rapports (en date des 19 janvier et 22 octobre 2010) les juges de l’application des peines du tribunal de Nantes ont averti leur hiérarchie que l’absence (depuis un an) d’un quatrième juge de l’application des peines (JAP) les obligeait à effectuer des choix de priorités. Ils indiquaient alors: «Notre situation est à ce jour extrêmement préoccupante. Nous sommes inquiets», et concluaient «Ce choix, fait après mûre réflexion, induit inévitablement une insatisfaction professionnelle. Il nous semble être un leurre de croire et de faire croire que nous pouvons à trois gérer de façon consciencieuse et responsable l’intégralité des mesures relevant du service de l’application des peines de Nantes. Nous souhaitons ardemment que cette situation cesse le plus rapidement possible».
Par ailleurs, le SM indique que le directeur du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) avait fait savoir en mai 2010 aux magistrats nantais que, compte tenu du manque d’effectifs, il n’était pas en mesure de traiter l’ensemble des dossiers qui lui étaient affectés.
«Les sonnettes d’alarme étaient donc tirées depuis plusieurs mois», explique le syndicat, qui fait état de trois autres courriers:
1/le premier, du 15 décembre 2010, du directeur interrégional de l’administration pénitentiaire de Rennes, mettant en cause «les difficultés en matière de ressources humaines au sein du ministère de la Justice (qui) nous imposent d’opérer des choix en matière de répartition des effectifs» ;
2/un courriel daté du 4 novembre 2010, du premier président de la Cour d’appel de Rennes, répondant que, «malgré de multiples rapports et mises en garde» de sa part, la Chancellerie avait décidé de ne pas pourvoir le poste manquant de juge de l’application des peines de Nantes, qu’il n’était dès lors «pas illégitime que les magistrats établissent des priorités de traitement des affaires» ;
3/ un courrier après la disparition de Laetitia, en date du 27 janvier 2011, où le nouveau premier président de la Cour d’appel de Rennes «a décidé d’affecter un juge placé au service de l’application des peines de Nantes du 1er avril au 1er septembre 2010, preuve que la question des moyens alloués aux services est non seulement cruciale mais susceptible d’être rapidement prise en compte».
Le SM demande que soient rendus publics les «multiples rapports et mises en garde» adressés au ministère de la Justice par le premier président de la Cour d’appel de Rennes, et que le garde des Sceaux indique très rapidement les mesures concrètes prises avant le drame pour remédier à «la situation critique» des services d’application des peines et d’insertion de Nantes.
«Ces “fautes” sont indubitablement celles des gardes des Sceaux successifs qui n’ont pas permis, depuis des années, à la justice de fonctionner normalement», affirme le Syndicat de la magistrature, mettant en cause la Révision générale des politiques publiques (RGPP).
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