Nicolas Sarkozy a convoqué le Parlement… depuis Le Lavandou
Vacances quelque peu écourtées pour les parlementaires qui, deux mois après le congrès sur la Réforme des institutions, sont convoqués pour le 22 septembre, soit le lendemain du renouvellement triennal du Sénat. Une première depuis 1968. Selon l’Assemblée nationale, Nicolas Sarkozy a signé ce vendredi 1er août le décret de convocation depuis Le Lavandou (Var), où il se trouve en villégiature. Il s’agira de parler (enfin) du Revenu minimum d’insertion (RSA, pour lequel Martin Hirsch était entré au gouvernement et avait déclaré en mars dernier qu’il était prêt à le quitter s’il n’obtenait pas satisfaction) mais aussi de la participation-intéressement des salariés (une perspective qui suscite des critiques chez les députés de tous bords). Le Sénat montrera son inutilité pour cette session extraordinaire, contrairement au précédent de 1968, où Gaston Monnerville avait eu son mot à dire.
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En 1968, les parlementaires avaient siégé, y compris « les hommes » du président Gaston Monnerville, pourtant sortant. Cette rentrée, le Sénat fera de la figuration. Le général de Gaulle voyait peut-être les institutions françaises avec davantage de hauteur que le président Sarkozy.
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Cette session extraordinaire du Parlement aura une particularité : seule l'Assemblée nationale débattra ! Un tiers des membres du Sénat aura été renouvelé la veille (le 21 septembre) ; le Sénat est bien convoqué (la Constitution est ainsi faite), mais le Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, a précisé à l’AFP qu’il ne siégera pas. Tel semble être le bon vouloir présidentiel, car, en 1968, il n'en avait pas été ainsi sous Charles de Gaulle. Rupture ?
Ce jour-là, les sénateurs se réuniront pour entendre leur président ouvrir formellement la session, mais ne seront saisis d'aucun texte. Le président sortant, Christian Poncelet, présidera l'ouverture du Sénat, mais son successeur, lui, ne sera élu que… 1er octobre, puisque le mandat des sénateurs à renouveler prend fin le 30 octobre. Donc même les sénateurs battus siègeront (pour rien) s’ils le souhaitent, puisqu’ils sont convoqués par le président de la République.
Les communistes ont dénoncé de la « désinvolture » à l'endroit du Parlement. Les Verts craignent un examen « à la hussarde » des textes, « peu conforme à une démocratie digne de ce nom ».
A l'UMP aussi, des critiques ont commencé ; dès hier. Le député du Maine-et-Loire Marc Laffineur, vice-président de l'Assemblée, disait qu'il vaudrait mieux « laisser aux députés et sénateurs le temps d'expliquer à leurs électeurs le travail colossal effectué depuis un an ».
Le « villepiniste » Jean-Pierre Grand (Hérault) a dénoncé auprès de l'AFP une « boussole devenue folle, une égouvernance agitée, alors qu'on a besoin d'être sur le terrain avec nos électeurs ».
A peine remis de cette session extraordinaire quelque peu étrange, les parlementaires enchaîneront avec la session ordinaire, le 1er octobre qui sera grandement consacrée au budget général et à celui de la sécurité sociale. Cinq autres textes seraient déjà en voie de passer par priorité.
Du jamais vu depuis… 1968
Les élections sénatoriales, qui se déroulent au suffrage indirect (environ 150 000 personnes forment le collège des « grands électeurs ») éliront pour la dernière fois un tiers des sénateurs pour 50 000 d’entre-eux (à compter de 2011, la réforme initiée en 2003 fera que le Sénat sera renouvelé par moitié tous les deux ans).
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Au Parti socialiste, on estime à une dizaine le nombre de sièges qui pourraient être gagnés aux élections sénatoriales du 21 septembre.
Infographie AFP
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Bruno Le Roux, le secrétaire national du PS chargé des élections, table sur un gain d'une « dizaine de sièges » après le renouvellement du 21 (sur 114 sièges), tous élus pour six ans, au lieu de neuf jusqu'à présent. Cette année, le Sénat passe de 331 à 143 membres. En suivant les mêmes projections, les gains à gauche se monteraient à 15 à 20 sièges pour 2011. Mais des collectivités créées à la mi-juillet, comme Saint-Martin ou Saint-Barthélemy (8 500 âmes), qui dépendaient directement du DFA de la Guadeloupe, sont d'ores et déjà acquises à l'UMP. Saint-Martin (partie française) et Saint-Barthélemy formaient, jusqu'au 15 juillet dernier, sur les sept îles de la Guadeloupe, la sous-préfecture des Iles du Nord.
La seule fois de la Ve République où le Parlement a été réuni à l’issue d’une élection sénatoriale remonte à… 1968. Le président de Gaulle, avait convoqué une session entre le 24 septembre et le 2 octobre, juste avant l'ouverture de la session ordinaire d'automne. A l’ordre du jour étaient inscrits un projet de loi sur l'aide à l'investissement présenté par le secrétaire d'Etat à l'Economie… Jacques Chirac, un autre sur l'allègement de charges fiscales des entreprises, un troisième sur l'enseignement supérieur, présenté, dans la foulée des événements de Mai-68, par le ministre de l'Education nationale Edgar Faure.
Le Sénat, dont un tiers des membres avait été renouvelé le 22 septembre, avait siégé jusqu'au 1er octobre, sous la présidence du président sortant Gaston Monnerville (les sénateurs ont créé une Société des amis du Président Gaston Monnerville, en mémoire de ce personnage trop souvent oublié). Le successeur de Gaston Monnerville, Alain Poher (qui, lui, fut par deux fois président de la République par intérim), ne fut élu qu’à la rentrée de la session ordinaire, le 2 octobre 1968.
Mais, en 1968, le Sénat avait siégé réellement. Ce au contraire de ce qui se profile pour la session extraordinaire, où le Sénat ne doit être convoqué qu’à titre purement formel, puisqu'il ne doit être saisi d'aucun texte.
C’est à se demander à quoi sert d’augmenter le nombre de sénateurs alors que, proportionnellement, celui des députés sera diminué (il reste identique, mais de nouveaux députés vont être « créés »).
Fabien Abitbol, avec agences
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