Ce que la femme du journaliste sait
A l’occasion de la 20e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco, festival qui s’est achevé samedi), Osange Silou-Kieffer, l‘épouse de Guy-André Kieffer, journaliste disparu en Côte d’Ivoire le 14 avril 2004 et qui habitait le 20e arrondissement, a accordé un long entretien au quotidien « Le Pays », à l’occasion de son séjour au Burkina-Faso, pays limitrophe de la Côte d’Ivoire. Réalisatrice et critique de films, Osange Silou-Kieffer est directrice de la rédaction de « Invariance Noire », une agence de presse implantée rue des Prairies (20e). Elle se rend autant que faire se peut aux éditions du Fespaco. Samedi dernier, dans le hall d’un hôtel de Ouagadougou, elle s’est entretenue avec un journaliste burkinabé, de cinéma, mais aussi de la disparition de son mari. C’est la deuxième partie de cet entretien publié ce lundi dans « Le Pays » que vous trouverez ci-dessous.
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Nous sommes un peu surpris de vous voir à Ouagadougou, car la presse ivoirienne avait annoncé la mort de Mme Kieffer !
Quand il était à Abidjan [capitale économique de la Côte d’Ivoire, ndlr], mon époux vivait avec une dame que les gens ont présentée comme étant sa femme. Quand je suis allée en Côte d’Ivoire après l’enlèvement de mon époux et qu’on m’a posé la question, la seule réponse que j’ai donnée et que je continue de donner est que cette dame c’est une négresse comme moi. Je ne rentrerai dans aucune polémique avec une sœur pour ce genre d’histoire. Je pense que cette dame était autant malheureuse que moi, que mon enfant. Je n’en fais pas un problème.
Où en est-on avec l’affaire Guy-André Kieffer, du nom de votre époux disparu depuis lors en Côte d’Ivoire ? Y a-t-il des pistes qui mènent à l’assassin ou aux assassins de votre époux ?
S’il a été tué ! On ne l’a pas retrouvé, donc on ne sait pas s’il est mort ou s’il est vivant. Moi, j’ai toujours dit que, tant qu’on ne me présente pas son corps, je continuerai de croire qu’il est détenu quelque part. Je ne voudrais pas, s’il est toujours vivant, qu’il croit qu’on l’a abandonné. Ça va bientôt faire 3 ans, mais on ne sait toujours pas si Guy André est vivant ou s’il est mort. Il y a des gens qui se manifestent, qui apportent des témoignages complètement farfelus de gens qui cherchent à soutirer un peu d’argent. Parfois aussi, ce sont des témoignages que nous prenons suffisamment au sérieux, qui nous permettent d’approfondir les enquêtes. Pendant que je suis au Burkina pour le FESPACO, il y a eu une réunion avec le juge d’instruction à Paris. Demain dimanche 4 mars [ndlr, l’entretien a été réalisé le samedi 3 mars 2007], je ferai le point avec la famille pour savoir ce qui s’est dit, et voir dans quelle direction on continuera à agir. Une chose est certaine, nous ne baissons pas les bras.
Les autorités françaises vous apportent-elles leur concours dans l’enquête ?
Les autorités françaises sont très tièdes depuis le début. D’ailleurs, on a toujours dénoncé cette tiédeur qui est due à l’ambiguïté des relations de la France sur le continent africain. C’est vrai que cet état des choses nous a un peu bloqués. Maintenant, les choses s’ouvrent un peu plus, mais c’est parce que nous nous sommes beaucoup battus. Comme je le disais, le gouvernement ivoirien fait tout pour qu’on ne sache pas ce qui s’est passé, et le gouvernement français ne fait rien pour qu’on sache ce qui s’est passé. Donc nous avons dû nous battre sur ces deux fronts. Le combat semble être un peu gagné du côté de la France. Par rapport à la Côte d’Ivoire, nous continuons le combat.
Pensez-vous que la justice a les coudées franches dans cette affaire ?
Les deux juges qui ont l’affaire en main sont comme moi qui suis une Kamikaze de la culture et de la défense de la culture noire. Eux, ils sont des Kamikazes de la justice. Dès qu’on s’est rencontrés au début, le juge m’a dit que lui, il ira jusqu’au bout. Je lui ai dit que ça tombait bien, car, moi aussi, j’irai jusqu’au bout. On continue donc à travailler ensemble dans ce sens.
Avez-vous une conviction intime dans l’affaire Guy André Kieffer ?
Oui, mais que je ne peux pas développer ici.
Pour quelles raisons ?
Parce que je ne voudrais pas que, si mon époux est toujours détenu quelque part, cela précipite quoi que ce soit.
Vous y croyez encore ?
Oui, j’y crois. Je ne voudrais pas non plus tenir des propos à partir d’une simple conviction, fût-elle profonde. Il faut faire très attention à ce qu’on dit des autres.
Avez-vous des indices qui vous font croire que votre époux est encore vivant ?
Je n’ai pas d’indices me laissant penser qu’il est vivant, mais, comme je n’ai pas non plus d’indice m’amenant à croire qu’il est mort, je préfère rester dans le domaine positif de cette situation.
Propos recueillis par Morin YAMONGBE
(Le Pays)
Pour retrouver divers sujets concernant Guy-André Kieffer et publiés dans la presse burkinabée, cliquer ici.
Site de soutien à Guy-André : Vérité pour Guy-André Kieffer.
Pétition de soutien à la famille et aux proches ici. La fiche parlant de notre voisin sur Wikipédia.
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