Un anodin décret publié au JO de ce vendredi 28 mars approuve l'augmentation de capital par la DCNS de la société Armaris Bis à hauteur de 85000 actions pour un montant de 1,36M€.
Jusque là, en apparence, rien d'anormal. Sauf que le montant paraît un peu gros, eu égard au fait que le capital social de Armaris Bis est de 40.000€ et que son bilan 2012 est négatif. Les quatre derniers exercices comptables de cette société (spécialisée dans la construction navale) étaient négatifs, compris entre -2.309€ et -2.997€ selon les années disponibles, de 2009 à 2012. Ses capitaux propres étaient en baisse ces dernières années.
Comme l'indique cette fiche (à l'onglet "dirigeants"), Armaris Bis SAS est codirigée par MM. Stéphane Lhopiteau et Philippe Toth. M. Lhopiteau est par ailleurs responsable de quatre autres sociétés liées à l'armement, dont trois domiciliées à la même adresse, celle de Armaris Bis SAS, dans le 15e arrondissement de Paris.
Fin mai 2010, la Direction nationale des Investigations financières (DNIF) est tombée à deux reprises sur l'autre dirigeant, M. Toth: la première fois (procès verbal cote D57 pour une une dizaine d'heures qui montrent l'éparpillement des archives de la DCN) et la seconde (procès verbal cote D61, moins rock'n'roll).
En juin 2010 (procès verbal de 34 pages à consulter ici), le terme de "corruption" apparaissait alors officiellement dans le cadre d'un accord signé en 2002 "pour vendre à la Malaisie deux sous-marins Scorpion et un sous-marin Agosta pour un milliard d'euros". Ce n'est qu'en mars 2012, à deux mois du premier tour de l'élection présidentielle, que l'affaire allait paraître dans Le Parisien. Un mois après l'élection de François Hollande, d'autres renseignements étaient publiés, cette fois dans L'Express. L'affaire prenait un tournant plus tragique en janvier 2013 lorsque L'Express, sous le titre France-Malaisie: un contrat très sous-marin, rappelait l'exécution fin 2006 d'une jeune mongole de 28 ans, Altantuya Shaariibuu, "à la fois intermédiaire et interprète" et "qui maîtrisait parfaitement l'anglais, le russe, le chinois et le coréen". Ce meurtre, au demeurant, intéresse la justice française.
On peut dès lors se demander pourquoi le ministère de l'Economie et des finances a donné son accord pour un tel investissement. La lecture attentive du Journal officiel réserve parfois des surprises.
F. A.
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N.B.: j'avais prévu de reprendre la lecture quotidienne du JO à la mi-février, lorsque j'ai publié celui du 17 décembre 2013 (ici). C'était sans compter sur la trêve préélectorale... De fait, si je le lis quasiment chaque soir (heure de Québec), je ne trouve guère plus d'une à trois informations véritablement intéressantes, et de fait préfère ne rien publier. D'autant que la préparation des élections consulaires (spécifiques aux Français résidant à l'étranger) requiert pas mal de temps que je consacre au blogue Soir Américain, co-géré avec mon épouse. Notre dossier sur les consulaires est ici. Merci de votre compréhension.