Le Tarmac, restaurant du 33, rue de Lyon, a enfin rouvert vendredi 14 octobre, après un mois de fermeture administrative. Motif: des fonctionnaires de police avaient trouvé en cuisine, à l’approche de l’été, un salarié en situation irrégulière dont le dossier de régularisation avait été déposé en préfecture deux semaines plus tôt.
Vincent Meillon, qui tient Le Tarmac depuis six ans, se souviendra sans doute longtemps de cette descente de police, en plein service, un soir de juin. Parmi ses employés se trouvait en cuisine un étranger qui, aux yeux de la législation française, se trouvait en situation irrégulière.
Aux dires du gérant de l’établissement, ce cuistot, embauché en mai 2010, avait présenté des papiers au nom d’un proche. Mais Vincent, apparemment de bonne foi, ne savait pas qu’il lui revenait, en tant qu’employeur, de procéder lui-même au contrôle d’identité de l’impétrant. Une disposition entrée en vigueur peu de temps auparavant, et visant essentiellement les secteurs de l’intérim et du BTP, mais aussi la restauration.
Les fonctionnaires, eux, n’ignoraient sans doute pas que, deux semaines plus tôt, un dossier de demande de régularisation avait été déposé en préfecture par cet employeur pour ce salarié. Car le “pot-aux-roses” avait été découvert et le gérant, satisfait de son employé, souhaitait le conserver dans ce restaurant à la carte assez variée.
Trois mois plus tard, après la période des congés d’été du personnel, la sanction tombait: un mois de fermeture administrative pour le restaurant, et 1500€ d’amende pour le gérant.
Comme quoi, l’aide au séjour —dont Eric Besson du temps où il avait en charge l’Immigration affirmait qu’elle n’était pas punie— l’est encore. Comme le prévoit l’Article L 622-1, Vincent risquait à titre personnel un emprisonnement de cinq ans et 30 000€ d’amende.
Sanction immédiate, notifiée le 13 septembre, à effet au 14 septembre. Et assortie d’une obligation d’affichage sur l’établissement du motif de fermeture.
Ne souhaitant pas se laisser faire, Vincent réplique par un référé administratif, à l’aide d’un avocat spécialisé en droit administratif. En vain. La fermeture d’un mois est maintenue.
Une sanction lourde attaquée au Tribunal administratif
«Un manque à gagner de l’ordre de cent mille euros», expliquait-il samedi soir, comptant dans ce montant deux semaines de salaire pour chaque employé. Car, la faute (puisque techniquement faute il y a) incombant à l’employeur, les salariés ne pouvaient pas être mis en chômage technique. Un accord entre l’employeur et les salariés fit que ceux-ci prirent deux semaines de congés et se firent payer deux semaines sans travailler.
Désormais, l’affaire est pendante au fond devant le tribunal administratif de Paris. Car la sanction est lourde: un mois pour un seul employé. Difficile d’y voir un quelconque «trafic». Plutôt un besoin de main-d’œuvre et une méconnaissance des méandres administratifs et de la procédure déclarative. Vincent aurait dû en effet se rendre sur le site de la préfecture de police, fouiller dans les coins et recoins, découvrir cette page, puis contacter «de préférence par courriel la section de la documentation et de la correspondance» afin de vérifier l’identité de son cuisinier. Se transformer en auxiliaire de police, en quelque sorte.
Devant le tribunal administratif, le gérant du Tarmac souhaite l’annulation de la décision, la condamnation du représentant de l’Etat… et des dommages et intérêts à hauteur de son manque à gagner.
Hier samedi 15 octobre, l’établissement avait retrouvé une activité quasi-normale, avec sa clientèle composée en grande partie d’habitués. Pour certains venus là par solidarité.
Fabien Abitbol
Reprise sur la Vigie de Rue89 le 17 octobre à 19h49