Madame la Chargée de secteur du Conseil Général,
Après réception de votre courrier du 29 avril 2011, puisque la possibilité de faire connaître mes observations m’est offerte, je l’utilise. Vous me pardonnerez mon léger retard. Votre ultimatum de trente jours ne saurait flétrir notre inoubliable rencontre et les impressions intactes que j’en ai gardées.
Permettez-moi de passer sur le récapitulatif de mes démarches au Pôle Emploi, où la lourdeur des inepties administratives servant de syntaxe au sabir officiel ne m’empêcha pas, hélas, de parvenir au terme de mon inscription.
Ceci pour redécouvrir, ébahi, vos fameux Parcours Emploi Renforcé et Contrat d’Engagement Réciproque qui n’ont pas à rougir de l’œuvre du regretté Franz Kafka.
Car les mots accompagnement et réciprocité ont été vidés de leur substance à ce point, Madame, que grâce à votre concours et à celui de vos assesseurs, ils ne peuvent aboutir qu’à l’injonction d’une recherche d’emploi alimentaire durable et à la forme la plus primitive de hiérarchie dans les relations. Vous en fîtes la démonstration lors de notre entretien, cette parodie d’audience dans laquelle vous vous contentâtes de marteler le formalisme contractuel du dispositif RSA, n’hésitant pas un instant à couper la parole, hausser le ton, menacer de radiation afin que mon étroitesse d’esprit se saisît enfin d’un projet professionnel (alimentaire) réaliste et réalisable à moyen terme (durable).
Pour l’anecdote, j’ai déjà largement besogné en tant que vendeur de sandwichs à l’époque où les revenus d’un job alimentaire m’étaient nécessaires pour étudier le droit. Figurez-vous qu’une partie de mon travail réaliste consistait à passer à l’eau de javel les sandwichs invendus, pour des raisons éminemment alimentaires dont vous conviendrez, fort logiquement. Autre anecdote, en France, c’est environ 30% de la nourriture produite qui part directement à la poubelle. Oh ! Comme j’aurais préféré que ce fussent les jobs alimentaires avariés qui partissent tels de vulgaires déchets… Mais vous êtes là, Madame, et vous veillez au grain.
Être RSA-iste n’est certes pas la panacée. Sur ce point, nous fûmes en apparence d’accord. Et en apparence seulement. Car la servitude volontaire n’est certainement pas un remède à l’indigence. Je vous ai même, sans ciller, écouté vous plaindre de vos dix heures de travail quotidiennes au Conseil Général, Madame, et persiste à me préoccuper davantage de ma liberté et de mon érudition que de mon rang et de mon pouvoir d’achat.
Bénéficiaire du RSA… Se faire traiter de cancer de la société par une huile ministérielle une semaine après notre entretien a de quoi laisser pantois. Mais me faire traiter de rentier au cours de notre entretien, par vous, vous les métiers du social, voilà qui est encore plus inacceptable.
Suspension de l’allocation… J’ai songé à un énième recours gracieux, au délai de deux mois, au recours contentieux près le tribunal administratif, mais non. Non vous avez suffisamment de travail comme cela. Cette année, un million de chômeurs arrive en fin de droit. Ils viendront en partie frapper aux portes de votre structure. Et je peux dès à présent alléger votre fardeau.
Je sollicite, par la présente, ma radiation définitive du dispositif RSA. Je souhaiterais que le temps normalement consacré à l’examen de mon dossier en équipe pluridisciplinaire soit dévolu à l’étude d’un revenu de base inconditionnel.
Je me permets de vous donner quelques pistes : à gains de productivités constants, la répartition des richesses se fait de plus en plus inique. Exemple : une caissière chez Carrefour est remplacée par une borne automatique. C’est un gain de productivité. Ce gain bénéficiera-t-il à la caissière, ou aux actionnaires du magasin qui l’a lourdée ? Au deux ? En fin de droit, la caissière fait une demande de RSA. La traiterez-vous de rentière ? Dans un avenir proche, lui dispenserez-vous ses cinq heures de travail obligatoires pour demeurer dans le dispositif ? Où réfléchirez-vous au fondement des revenus de transfert et à l’impérieuse nécessité de découpler le travail des revenus au moyen d’un revenu de base inconditionnel ?
Je vous prie d’agréer l’expression de ma rage la plus sincère,
Pipas le sous doué, in Indymedia Grenoble
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